A propos d’Auschwitz

A propos d’Auschwitz. Je cherche à me souvenir du moment où j’ai su ce qu’était Auschwitz. Je ne m’en souviens pas. J’ai l’impression que j’ai toujours su, depuis que j’étais enfant, que j’ai toujours vu les images, su ce qui c’était passé. Je me souviens de mon père, de ma mère, cherchant à m’expliquer. Je me souviens de notre professeur d’histoire, Marcella Colle, qui nous en parlait, nous montrait les images, nous faisait lire des témoignages. Je me souviens de ma véritable première perception d’Auschwitz : la lecture de La nuit, d’Elie Wiesel, à dix-sept ans, Je me souviens d’une amie de ma mère, historienne, qui avait vu, à Auschwitz, la valise de ses parents. Je me souviens d’avoir vu, par une grise journée d’août 1990, à Auschwitz, la salle des valises, et les autres. Je me souviens d’Hélène Martin chantant un poème du Musée Grévin d’Aragon :

« (…) Aux confins de la Pologne existe une géhenne
Dont le nom siffle et souffle une affreuse chanson

Auschwitz! Auschwitz ! Ô syllabes sanglantes
Ici l’on vit ici l’on meurt à petit feu
On appelle cela l’exécution lente
Une part de nos cœurs y périt peu à peu
(…)« .

Je me souviens de la proposition radicale d’Adorno : « La critique de la culture se voit confrontée au dernier degré de la dialectique entre culture et barbarie : écrire un poème après Auschwitz est barbare, et ce fait affecte même la connaissance qui explique pourquoi il est devenu impossible d’écrire aujourd’hui des poèmes. »

Je me souviens de tant de documentaires, de films, de livres lus, sur l’antisémitisme, le nazisme, la guerre, la violence, la barbarie. Je ne me souviens pas d’avoir jamais compris que cela fut possible.

Strasbourg, 27 janvier 2015.

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