Deux souvenirs sur Michael Gorbatchev

Le premier date de janvier 1991. J’étais à Moscou, invité par Kirill Razlogov pour un colloque en marge du Festival des films interdits. C’était ma première visite à Moscou. La pemière guerre du Golfe venait de commencer, ainsi que l’insurrection dans les Etats baltes. Nous n’avions aucune nouvelle fiable de ce qui se passait. Le colloque se tenait dans un sanatorium du Parti communiste, dans la campagne enneigée. On se nourrissait de flocons d’avoine, de thé et de vodka. Il était possible de s’échapper du colloque pour rejoindre Moscou lorsque l’on arrivait à trouver une place dans la voiture mise à disposition des conférenciers. J’ai réussi à en trouver une en compagnie d’Annette Michelson, la grande critique américaine de cinéma. spécialiste d’Eisentstein et de la French Theory. Alors que nous passions sous les murs du Kremlin, le chauffeur a augmenté le volume de la radio. Une voix grave parlait. Annette Michelson m’a dit : « This is Gorbachov speaking. I do not undertand what he says, but he is speaking about the war ». Il devait être juste à côté, derrière les murailles rouges.

Dix-huit ans plus tard, j’ai vu Gorbatchev de mes propres yeux, lorsqu’il est venu, le 8 octobre 2009 à Strasbourg célébrer le soixantième anniversaire du Conseil de l’Europe. Voir est un bien grand mot. J’étais tout au fond de la salle et je voyais surtout son image sur l’écran. J’ai pris une photo avec mon portable, mais elle est très floue, insignifiante. Elle dort quelque part au fond de mes archives et je retrouve plus facilement celle qui est parue le lendemain dans les Dernières nouvelles d’Alsace. Je ne me souviens pas que, ce jour là, l’ancien Président est utilisé les mots « Droits de l’Homme ». C’est pourtant ceux que l’on attendait.

J’aimais bien l’image de l’Europe comme maison commune qu’avait proposé Gorbatchev. L’Observatoire européen de l’audiovisuel, qui fête cette année son trentième anniversiare, et où j’ai travaillé pendant vingt-deux ans, était une des premières concrétisation de cette image, un petit acquis symbolique de l’axe Mitterand-Kohl-Gorbatchev. Le mot clé de l’Observatoire, dans l’article 1 de ses statuts, c’est le beau mot de transparence, Glasnost, Cela m’a permis de retourner régulièrement à Moscou et d’apprendre à aimer cette ville terrible.

Je crois qu’il était sincère à ce sujet. La « Maison commune », je l’ai évoquée, en février 2012, lorsque je me suis retrouvé piégé dans un colloque russe exporté au Palais des Congrès de Strasbourg. J’étais bien seul face à des idéologues de l’Eurasie, de la suprémacie génétique de la population russe et qui déjà dénonçaient un supposé projet occidental de détruire la Russie. Le monde avait changé.

J’apprends son décès alors que je termine un rapport détaillé sur l’information et la propagande à la télévision russe, qui devrait être envoyé la semaine prochaine à l’Arcom. Recenser les mots et les chiffres de la propagande de guerre et des incitations au génocide. Nous voici revenu au temps de Moscou la gâteuse.

Quel dommage que Gorbatchev ne se soit pas opposé plus clairement à Poutine et qu’il ait approuvé l’annexion de la Crimée en 2014.

Une amie philologue a beau me dire que Gorbatchev parlait comme un paysan, avec des fautes de grammaire, je pense que nous devons reconnaître qu’il a offert au monde, et à l’Europe en particulier, l’espoir de relations pacifiées.

Cet espoir là est mort avant lui.

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