Le monde d’après a commencé

Paris, 3 juillet 2021

Ca y est ! Aujourd’hui, j’ai enfin eu l’impression que le monde d’après a enfin commencé. Une petite balade de moins de deux heures suivant un itinéraire dorénavant classique, Rue Saint-Maur, Rue Fontaine-au-Roi, Canal Saint-Martin et je rencontre les fantaisies gentiment monstrueuses de la jeunesse française.

Sur le mur du Charbon (géré par l’association Le M.U.R.), l’artiste toulousain Nicolas Giraud, aka 100Taur, met la dernière main à sa fresque. « Il travaille sans relâche pour la création d’un monde enchanté et sombre. » dit, sur son blog, sa notice biographique : « L’œuvre de 100Taur est à mi-chemin entre l’innocence et l’horreur. Il explore les concepts de différence et d’imperfection en créant des créatures fantastiques mi-humaines et mi-animales, évoluant dans un univers poétique. Chaque petit détail de son œuvre est un hommage rendu à la célèbre phrase de Francisco De Goya « Le sommeil de la raison produit des monstres ».

Il nous montre des créatures mythiques effrayantes à travers ses yeux d’enfant et a rendu ses plus terribles cauchemars inoffensifs, presque charmants à travers son art. Son travail pourrait être affilié à « Low Brow » et il exprime sa fascination ouvertement avouée et sa sympathie pour les monstres et les chimères. « À travers mes yeux d’enfant, je fabrique des créatures cauchemardesques qui deviennent mes confidentes imaginaires. J’attache beaucoup d’importance aux petits détails qui les entourent. Je leur donne un univers coloré et riche, inspiré des mythologies de la littérature ou des icônes japonaises… Je pense qu’il faut se rappeler que « Monstrum » en latin signifie miracle, quelque chose d’extraordinaire, presque un spectacle. Merveilleux, horrible ou effrayant. Cela a besoin d’être vu et d’être montré ».

Derrière chacun de ses dessins, peintures, sculptures ou décors, une histoire est à découvrir. 100Taur est né en 1982 et travaille à Toulouse. Il s’est intéressé à la nature, à l’art sacré, à la culture japonaise et aux mythologies du monde entier. Il a été influencé par la littérature fantastique – Lovecraft, Edgar Allan Poe – les bandes dessinées, la taxidermie et les livres de dessins anatomiques et les films de série B. Il aime beaucoup la pêche et est passionné par la mer. »

Ce que l’on voit sur le mur échappe à la description : une sorte de murène multi-patte semble triompher d’un hybride entre un cyclope, un rhinocéros, un vieux lion et un escargot, assailli par des gendarmes, ses insectes rouge et noir toujours un peu inquiétants mais parait-il assez inoffensifs.

L’artiste 100taur au travail (Photographie André Lange-Médart)

Les terrasses de rue Saint-Maur sont animées, mais il est à peine 18 heures, heure encore tranquille. Une affiche avec photo d’un aéronef non identifié me rappelle un classique de l’émission Strip Tease. Il est difficile de déterminer si il s’agit d’un départ ou d’une arrivée.

Aéronef non identifié, affiche, Rue Saint-Maur.

Cependant, il suffit de croiser une dame musulmane voilée ou une maman juive avec ses deux bambins pour confirmer qu’après la pandémie les traditions se portent bien.

« Il attendait la réouverture des bars », Rue des Trois couronnes (Photographie André Lange-Médart)
Rue Fontaine-au-Roi (Photographies André Lange-Médart).

Rue Fontaine-au-Roi, derrière une porte grillagée, un petit groupe d’homme s’affaire à je ne sais quelle activité. Je ne sais pourquoi la combinaison avec une affiche « El Luchador » me fait penser que le monde d’après est aussi un peu orwellien.

« El luchador », Rue Fontaine-au-Roi (Photographie André Lange-Médart)

Je descends la rue Fontaine-au-Roi vers le Canal Saint-Martin. Devant La librairie Sans Titre, la chevelure savamment sauvage d’une jolie femme, occupée à consulter son portable, attire mon regard. En agrandissant la photo, je remarque, à l’intérieur de la boutique, une affiche qui proclame « Remplacer Marine Le Pen par de la polenta ». Oui, maïs !

Librairie Sans-Titre (Photographie André Lange-Médart)

Quelques mètres en contrebas, deux copines sortent du Cactus Club. C’est ma photo préférée de la journée. Elle dit toutes les inquiétudes du moment historique.

Cactus Club, Rue-de-la-Fontaine au Roi (Photographie André Lange-Médart)

J’ai déjà vu les quais du Canal Saint-Martin plus encombrés. De petits groupes de jeunes allègres, des couples, des solitaires, des originaux, des visages un peu vides, une dame qui tricotte. Il arrive que le monde d’après ressemble étrangement et banalement au monde d’avant.

Sur les quais du Canal Saint-Martin (Photographies André Lange-Médart)

Rue des Récollets, une nouvelle oeuvre murale intéressante : un ensemble de style mauresque, peint et intégrant des coupures du Canard enchaîné.

Artiste non identifié, Rue des Récollets (Photographies André Lange-Médart)

Sur le mir d’en face, un graffiti qui fait lui aussi très époque ! « Aux absents !! », comme l’on crie « Aux armes ! » ou comme l’on dédicace un livre en remerciement ? Je ne sais pas pourquoi l’auteur à placé deux points d’exclamation, ce qui n’est pas du tout nécessaire. Peut-être parce qu’il y a eu deux tours aux élections régionales.

« Aux absents !! », Rue des Récollets (Photographie André Lange-Médart)

Je fais un petit crochet par la Rue Legouvé. Je suis en train de préparer un petit article sur cette rue, et, pour cette raison, j’aime bien y passer à l’occasion. Je pensais tenir la photo en réserve, mais elle est tellement mignonne que je vous la livre dès aujourd’hui. Aux amours !

Amoureux casqués, Rue Legouvé (Photographie André Lange-Médart)

Au retour, les parasols sont repliés, je puis enfin prendre une photo complète de la fresque de 100taur. Elle ne me déplaît pas. Elle est sans titre, comme la librairie voisine, comme cette nouvelle période.

Le doigt de 100taur (Photographie André Lange-Médart)

Feuilletez l’album complet ici.

4 commentaires

    1. Merci. Je suis moi-même, d’une certaine manière, un provincial, originaire du département de l’Ourthe-Amblève durant la 1re République et l’Empire). Lorsqu’on ouvre les yeux, Paris est mille fois plus riche que les clichés qu’on en donne.

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  1. Sur votre lancée, entre le Mur d’Oberkampf et La Fontaine au Roi, vous auriez pu voir la friche des Trois Couronnes, ouverte à tous les samedis, et y voir Cannibal Letters à l’œuvre sur le mur extérieur.

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