Un salut à Adamastor

12 juin 2021

Après la visite décevante au Museu nacional de arte antiga, nous regagnons le centre par notre itinéraire habituel : Madragoa, Santa Caterina, Largo de Calhariz, Chiado.

Madragoa (Photographie André Lange-Médart)

Madragoa est mon quartier préféré de Lisbonne. Un mélange d’habitat populaire et de palais aristocratiques. Le tourisme de masse n’y vient guère, préférant les ruelles d’Alfama, la Rua Augusta et le Terreiro di Paço. Il est encore possible d’y trouver un peu de ce charme du Lisbonne des romans d’Eça de Queiros. Beaucoup d’immeubles ont été rénovés depuis une vingtaine d’années, souvent avec goût. Mais, derrière les volets clos, on devine des appartements RBnB qui ne trouvent plus loueurs. Au pied de l’église Santos-o-Velho, plusieurs chauffeurs attendent sagement au volant de leur voiture. Il doit y avoir réception à l’ambassade de France, toute proche.

Calçada Ribeiro Santos (Photographie André Lange-Médart)

La dernière rénovation en date est celle d’un immeuble sur le haut de la Calçada Ribeiro Santos, que nous n’avions jamais remarqué : son perron avec auvent à colonnes est inhabituel à Lisbonne. Sur sa droite, deux autres nouveautés : « O bar mais triste da cidade », le « bar le plus triste de la ville » et le bar « Lulu Pub bonito », qui rend hommage à la vénérée Louise Brooks. Ils ont ouvert le mois dernier. Il faudra venir y jeter un coup d’oeil, un de ces soirs.

« O bar mais triste da cidade », Calçada Ribeiro Santos (Photographie André Lange-Médart)
« Lulu Pub Bonito », Calçada Ribeiro Santos (Photographie André Lange-Médart)

Si les fêtes des Santos popolares n’avaient pas été annulées pour cause de pandémie, nous serions probablement venus ce soir manger des sardines, attablés avec des amis, Rua da Esperança, au pied des escaliers du Musée de la marionnette. Il y a bien quelques tables déjà disposées pour la soirée devant les quelques restaurants de la rue, mais rien de comparable avec l’enchevêtrement habituel autour des braseros.

Une nouvelle librairie-galerie, spécialisée dans la bande dessinée créative, vient d’ouvrir, « Tinta dos Nervos », « l’encre des nerfs ». Elle propose une petite exposition, Kiskkhinda, des cartes de lieux imaginaires dessinées par Anthony Despalins. Sont-ce les cartes des villes invisibles d’Italo Calvino ?

Exposition « Kishkindha » à la librairie « Tinta dos Nervos » (Photographies André Lange-Médart)
Arbre décoré, au pied de la Chafariz da Esperança (Photographie André Lange-Médart)

Passé l’Avenida Dom Carlos I, on arrive dans la Rua do Poço dos Negros (« rue du puits aux nègres »), où nous avions jadis notre pied-à-terre (manière de dire pour un quatrième sans ascenseur). La Leitaria Nita, où nous allions prendre notre petit déjeuner, est toujours là. Deux pasteis de nata, un espresso, un jus d’orange pressé.

Rua do Pouço dos Negros (Photographie André Lange-Médart)

La rue a bien changer. La gentrification des dix dernières années a chassé les petits alfarrabistes, le centre culturel brésilien, les petits commerces populaires et les gamins cap-verdiens. Place aux magasins de design, aux appartements pour touristes, aux takeouts, à une boutique spécialisée dans les petits canards en plastique. Un peu plus haut, Calçada do Combo, la Despensa Trasmontana, petit restaurant de la rustique et délicieuse cuisine du Tras-Os-Montes qu’animait notre amie Né Ramos, a disparu dans le vide de la crise sanitaire.

La montée la Calçada est fatigante. Nous allons faire une halte au mirador de Santa Catarina, saluer Adamastor, ce monstre du Cap de Bonne Espérance imaginé par Camoes. Combien de fois ai-je déjà photographier sa statue, massif bloc de pierre sur lequel un petit homme cherche son chemin ? Nous venon souvent prendre un Agua das Piedras et fumer un petit cubain au kiosque du mirador, qui offre une des plus belles vues sur le fleuve. Malheureusement, le public local est souvent un peu interlope. Nous héritons de puces datant de l’époque hippie, abandonnées par les chiens de nos prédécesseurs. Une petite fille cap-verdienne vient quémander quelque monnaie pour Sao Antonio dans un gobelet de plastique. Une fois qu’elle a fait le tour des tables, elle rejoint ses parents. Sa mère rit de bon coeur de ce qui semble n’avoir été qu’une plaisanterie d’enfant : « Para Sao Antonio ! Para Sao Antonio ! ». Un nuage remonte l’estuaire, enveloppe le Pont du 25 avril. L’air devient frais. Il est temps de rentrer.

Statue d’Adamastor, Miradouro de Santa-Catarina
(Photographie André Lange-Médart)

Miradouro de Santa-Catarina (Photographies André Lange-Médart)

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