6 avril 2020
Ce matin, je suis jaloux. Il a neigé sur Liège. Une belle neige épaisse. Mes amis postent de superbes photos de leurs jardins, avec noisetiers, glycines, vieux cerisier et forsythias en fleurs. Tanguy Habrand se tire même le selfie, façon Jack London dans le Grand Nord. Cette belle neige en édredon me rappelle mon enfance : Milou, mon cousin d’Amérique, m’apprenait comment se jeter sur le dos bras et jambes écartés, pour laisser une empreinte éphémère.
Je dois me rendre Rue du Dahomey. Ciel gris et vent froid. Je m’équipe. Imagine-t-on, pour flâner dans Paris, Walter Benjamin, ondulant dans ses chaussures MBT à la Massaï, cherchant ses passages suivant les indications de son GPS Google, transmises via Bluetooth depuis un Samsung Galaxy vers un casque à réduction de bruit Sony WH-1000XM3, le masque protecteur (non médical) FFP2 NR aux normes CE 2797 soufflant sa vapeur sur les lunettes Anne & Valentin qu’il faut redresser sur les cheveux, fermant frileusement le zip de son anorak acheté jadis au Carrefour de Flémalle ? La Rue du Dahomey est parallèle au Faubourg Saint-Antoine. Il me faut donc traverser, comme samedi dernier, le quartier Sainte-Marguerite. Peu de passants à photographier. Je dois me contenter de façades, de plaques commémoratives, de cafés fermés, de devantures de magasin, de voitures coloriées.





On se souvient de l’impression ressentie par Hegel après avoir vu Napoléon à Iéna. « J’ai vu l’Empereur cette âme du monde, sortir de la ville pour aller en reconnaissance; c’est effectivement une sensation merveilleuse de voir un pareil individu qui, concentré ici sur un point, assis sur un cheval, s’étend sur le monde et le domine… tous ces progrès n’ont été possibles que grâce à cet homme extraordinaire, qu’il est impossible de ne pas admirer. »
« J’ai vu les caméras de Google Street View, cette âme du monde, tourner vers la Rue Saint-Maur pour aller en reconnaissance; c’est effectivement une sensation merveilleuse de voir un pareil dispositif qui, concentré ici sur 360°, monté en tige sur le toit d’une Toyota, s’étend sur le monde et le domine… tous ces progrès n’ont été possibles que grâce à cet outil de recherche extraordinaire, qu’il est impossible de ne pas admirer. »

Arrivé dans une petite librairie du Faubourg Saint-Antoine, j’entre dans une petite librairie. Un client demande le Guide des flocons de neige.


Feuilletez l’album complet de la promenade ici