Promenades de troisième vague (mars-avril 2021) 11. Petits ensorcellements électroniques

7 avril 2021

J’ai repéré une édition ancienne de La Banlieue de Paris de Robert Doisneau, avec un texte de Blaise Cendrars, dans une librairie de la rue des Moines. Ce n’est pas la première édition, qui est hors de prix, mais l’édition de La Guilde du Livre. Il faut que je reconnaisse ma dette pour La Guilde du Livre, premier club du livre francophone, qui était établi à Lausanne. Mes parents y étaient abonnés et achetaient par correspondance des romans reliés pleine toile ou, en édition de poche, dans la collection « La Petite ourse » sous de petites couverture marron. J’en ai conservé quelques uns. Ce n’est que très récemment que j’ai découvert que la collection était dirigée par Anne Desclos, alias Dominique Aury, alias Pauline Réage, qui fut la compagne clandestine de Jean Paulhan et l’auteur, tardivement identifiée, d’Histoire d’O. Chaque mois arrivait une petite revue de promotion, en noir et blanc.

Mes parents achetaient rarement des ouvrages de photographie, mais ils m’ont néanmoins légué le classique Paris des Rêves d’Izis Bidermanas, où les photographies sont commentées de courts textes d’écrivains, manuscrits. Page 46, le texte d’Henry Miller bénéficie, pour sa traduction, d’un petit encart sur papier jauni. Mon attachement à la littérature et à la photographie, petit-bourgeois, fétichiste et provincial, doit beaucoup à la Guilde du Livre. La famille Mohn, les géomètres de Götersloh, ont trivialisé le business du club du livre. Bertelsmann über alles. (Un jour, quand j’étais étudiant, une jeune vendeuse s’était présentée chez mon grand-père et l’avait convaincu de m’abonner à Belgique Loisirs. Il fut très attristé quand, tout en le remerciant de son geste, je lui fis part de mon dédain pour ces éditions bas de gamme.)

Je me remets donc en route vers les Batignolles. La chamoisine que j’ai achetée pour lutter contre la buée sur les lunettes ne produit aucun effet et je vais à nouveau demander à mon appareil de trouver la netteté des choses dont me prive ce fichu masque.

Avenue de la République (Photographie André Lange-Médart)
Avenue de la République (Photographie André Lange-Médart)
Avenue de la République (Photographie André Lange-Médart)
Dames péripatéticiennes chinoises, Boulevard Bonne Nouvelle (Photographie André Lange-Médart)
Non ! Laissez cet antisémite purger sa peine ! (Photographie André Lange-Médart)
Le masque du Grand Rex (Photographie André Lange-Médart)
Rue du Faubourg Montmartre (Photographie André Lange-Médart)
Passage Vanneau (Photographie André Lange-Médart)
Bientôt ouvert (Photographie André Lange-Médart)

Les grands boulevards sont longs et plutôt ennuyeux. Rue du Faubourg Montmartre, quasiment tous les volets sont baissés. Je m’assois un instant sur un banc Place Saint-Georges pour fumer un petit cubain. Zut, j’ai oublié mon briquet. J’écoute la première sonate pour violon de Fauré par Tedi Papavrami. Moment urbain de tranquilité. Curieusement, pendant l’andante, la musique s’interrompt et une voix de femme prononce « Je lance Youtube ». Commence alors une leçon de géostratégie par Pascal Boniface. Mon smartphone doit être ensorcelé.

Derrière moi, la façade de l’hôtel de la Paiva. Thérèse Lachman fut une des plus célèbres courtisane du Troisième Empire. Elle épousa un riche Portugais, le Marquis de Païva et s’installa dans un Hôtel encore plus luxueux aux Champs-Elysées. Je me suis toujours demandé si ce Marquis de Païva avait quelques rapports avec Adriano de Paiva, le Professeur de l’Université de Porto dont j’ai raconté ailleurs comment j’ai retrouvé à Porto la rare brochure La télescopie électrique basée sur l’usage du sélénium chez l’alfarrabiste Chaminé da Mota.

L’Hôtel de la Paiva, Place Saint-Georges (Photographie André Lange-Médart)
L’Hôtel de la Paiva, Place Saint-Georges (Photographie André Lange-Médart)

Alors que j’attends au feu pour traverser la rue et aller photographier l’hôtel de Monsieur Thiers, qui est juste en face de celui de la cocotte, une dame m’apostrophe : « Vous-êtes photographe ? Moi je suis activiste et artiste. Je vais dans les manifestations des Gilets jaunes« . Je n’ai pas trop envie d’expliquer à cette dame les sentiments très partagés que j’éprouve à l’égard des Gilets jaunes. Je la laisse s’éloigner et, un peu lâchement, la photographie de dos. A quelques minutes d’intervalle, la batterie de mon Samsung et celle de mon Canon rendent l(âme. Cette dame est une sorcière.

Belle Austin, activiste (Photographie André Lange-Médart)

Je me pers dans les rues sévères et aphotogéniques du IXème arrondissement. Lorsque j’arrive aux Batignolles, la librairie est fermée. Ce n’est pas encore aujourd’hui que je trouverais les secrets de Robert Doisneaux.

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