3 avril 2021
Samedi 3 avril. Entre Atget et Doisneau, il faut choisir. Immobilité des pierres, des façades ou mobilité des corps et des visages. Aujourd’hui, je me dis que je vais tenter de faire d’une pierre deux coups : essayer de refaire cette photographie du cimetière de l’Eglise Sainte-Marguerite tirée par l’un et aller acheter le livre, repéré il y a quelques jours dans une librairie du Faubourg Saint-Antoine, sur l’autre.
A peine sorti de l’immeuble, mon attention est attirée par un amas de livres sur un des bancs de l’Avenue. Un d’eux est à même le trottoir. « Cecilia ». La pauvre, pouvait-elle tomber plus bas ? On n’entend plus parler d’elle.





.Toujours grand soleil et ciel bleu, mais le vent est froid. Retour de la buée sur les lunettes, je dois de nouveau photographier à vue. J’aimerais réussir à fixer les effets de foule dans les espaces de la ville : enfants et parents dans le Square Gardette, jeunes assis à même le sol au milieu de la Rue du Général Renault, cyclistes sur la Place Léon Blum. Mais je n’obtiens rien de très intéressant.




Heureusement, le quartier Sainte-Marguerite, qui s’étend entre le Boulevard Voltaire et le Faubourg Saint-Antoine, est plus photogénique que le Quartier latin. Les couleurs pimpantes, façades de magasins ou oeuvres de street art, ne sont pas ici, comme dans le Quartier latin pour les touristes. Elles disent l’envie de vivre d’un quartier bohème, sans être ni beau ni bobo. Du vouloir vivre, de l’imagination, avec trois fois rien.




Arrivé à l’Eglise Sainte-Marguerite, je ne trouve pas l’entrée du cimetière. La plaque commémorative est bien-là, qui rappelle que c’est ici qu’ont été inhumés les cadavres des guillotinés de la Bastille et des décapités de la barrière du Trône du 9 au 12 juin 1794. On raconte aussi que c’est ici que fut inhumé l' »enfant du Temple », le supposé Louis XVII. J’entre dans l’église, très sombre, sans grand charme. Pour respecter les quotas de présentiel fixés par le gouvernement, des chaises sont neutralisées par des rubans oranges et des images sous plastique « Cette place est réservée pour mon Saint-Patron »; Je m’approche d’une vieille dame qui est en train de déplier un drap blanc sur un petit autel latéral. Je lui demande si il est possible de visiter le cimetière. « Non, me dit-elle, méfiante, il est fermé, toujours ». Elle a à a faire et pas de temps à perdre dans le bavardage. En développant mes photos, je me rendrai compte que c’est une des deux petites fidèles que j’ai captée, traversant la Rue de Charonne en portant des draps blancs fraîchement lavés et repassés.


La librairie où je retrouve le Doisneau s’appelle Mona Lisait. Cela me fait plaisir de retrouver là Mona. Quelques uns se souviendront des Mona Lisait que l’on trouvait autrefois dans le Marais, Rue Saint-Martin et Rue Pavée. Des fins de stock de livres d’art et de photographie, des invendus d’Isidore Isou, de Jean-Pierre Faye et de Percy Wyndham Lewis, des tas de choses qu’on ne trouvait plus nulle part ailleurs. Les sous-sols étaient sombres et un peu humides, mais cela avait plus de charme que la FNAC ou que les Gibert. Ces Mona-là, ont été revendues, repeintes et sont devenues des points de vente normalisés. La vendeuse m’explique que l’esprit de Mona se retrouve à présent au Faubourg Saint-Antoine et Rue des Pyrénées. Les amateurs fauchés se sont réfugiés dans le XIème et le XXème.

Mais il y a de quoi s’inquiéter. Hier, je faisais remarquer à Paul Mahoux, dessinateur, grand amateur d’ours, qu’une des conséquences du confinement était la transformation des clients de cafés en oursons de peluche. Le phénomène, qui inquiète plus les sociologues que les médecins, a été constaté aussi bien Rue Mouffetard que, dès décembre dernier, à la Terrasse des Deux Magots. Deux foyers de référence. Aujourd’hui, je constate que l’épidémie a atteint mon XIème. Ces oursons, il faudrait, dès que possible, leur faire la peau.

Feuilletez l’album complet de la promenade ici
Suite : 9. Pâques à Paris
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