Retour à Alfama

img_7817-2J’ai déjà beaucoup photographié Alfama, et j’y ai même filmé les Fragments d’intranquillité. Tous les vains touristes photographient Alfama. Tous les guides touristiques de Lisbonne vendent Alfama, l’ancien quartier des maures, des pêcheurs, du fado. Le quartier change, se rénove progressivement, même si demeurent des façades écaillées et des affiches du PCP, plus modérées depuis que le parti soutient, de l’extérieur, le gouvernement socialiste. L’electrico 28 se voit moins qu’en été, car les touristes sont moins nombreux. Quartier qui cherche à se défendre face à l’afflux des visiteurs d’un jour. Topiques, lieux communs et pessoades. Et pourtant, j’y trouve toujours du nouveau.

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Par exemple, cette fois-ci, nous avons fait la connaissance do Senhor Horacio Gomes Pinto, le patron du petit restaurant en terrasse du Miradouro Santa Luzia. Trente ans qu’il est là. La vue sur le Tage, où ne passent plus guère que des barges à touristes et des paquebots à sable, est imprenable. Juste à côté deux guitaristes alternent folk américain et accords locaux. Les crevettes et les sardines sont délicieuses. Des sardines, le Senhor Gomes Pinto en achète deux tonnes par an. Il sait les choisir et comment les stocker. Il connaissait mon beau-père, par dévotion pour le Benfica évidemment. Il nous offre le pousse-café. J’opte pour un vin de Porto. Il propose un deuxième verre. Nous hésitons. « Si c’était moi, je dirais oui ». Allez, c’est parti, un deuxième Ferreira rouge.

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Largo do Limoeiro, Place du citronnier, des enfants jouent sur les racines monstrueuses d’un de ces arbres exotiques, nombreux à Lisbonne, mais dont j’oublie toujours le nom. A la fenêtre d’un café, une jolie statue de négresse rêvasse en regardant le fleuve. Les Portugais ne sont pas racistes, pas trop, disons, moins que d’autres peuples européens. Ici, il n’y a pas de parti xénophobe significatif. Un article de Publico, hier, cependant, documentait les discriminations dont sont victimes les Africains.

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Un peu en contre-bas, nous visitons le beau magasin d’antiquités de la Senhora Maria Teresa Torres. Belle table et chaises Art nouveau. Un Paola Rego. Une magnifique statue d’ange baroque en châtaignier doré. Madame Torres paraît très contente quand je lui raconte que j’avais filmé la vitrine de son magasin, dans les Fragments, le 25 décembre 2008. Le grand tableau de fête flamande, post-breughelien, est toujours là, intriguant. Etrange drapeau bleu.

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D’autres magasins valent le détour : poissonnerie qui propose des couteaux – nous en avons goûté, le mois dernier à Rome, c’est délicieux -,des espadons, des daurades ; boutique spécialisée dans les belles laines de mouton, telle autre dans les articles anti-pigeons.

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Plus bas encore, quand on descend vers Sé, la cathédrale, devant le Musée dédié à Sao Antonio, un groupe joue à je ne sais quel jeu d’adresse, sur une table. Les joueurs parlent anglais. Sous le porche massif de la cathédrale, une petite vieille est couchée à même le sol, pauvre amas de vêtements noirs. La forteresse de Dieu l’écrase.

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Nous revoici dans la Baixa, elle aussi toujours changeante. A deux pas de la maison natale où; il y a cent ans, naquit le grand poète et romancier Mario de Sà Carneiro, un jeune pianiste finance sa bague de fiançailles.

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Lisbonne est poésie pure. C’est écrit sur les murs.

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Lisbonne, 6 décembre 2016.

 

Album complet ici. Voyez également le petit album sur la Feira da Ladra, le « marché aux voleurs ».

2 commentaires

  1. Après votre passage par la page « Parfums de Lisbonne », j’ai suivi vos traces sur votre blog « l’Alfarrabiste et la libellule ». J’aime le titre très à propos pour votre style, votre regard et la ville que vous observez. Aux lucioles de Pasolini (puis de Didi-Huberman), vous avez préféré les libellules qui associés aux « alfarrabistas » conviennent si bien à Lisbonne! Il y a quelques jours, j’avais posté une citation de Antonio Muñoz Molina: « Lisbonne, c’était observer la clarté depuis l’ombre, l’espace depuis les recoins, rencontrer l’exotique à côté du provincial, les visages noirs, les couleurs et les odeurs de l’Afrique à côté des confiseries et des éventaires ambulants de marrons grillés, leur odeur se fondant dans l’air un peu froid de l’après-midi déclinant. » Je ne suis pas passéiste mais (et sans doute est-ce inévitable) l’affluence touristique industrielle et l’appât du gain facile ont commencé leur travail inéluctable. Votre blog si poétique et en même temps si réaliste prouve que voir dépend aussi du choix de ce qu l’on regarde. Merci à vous! Sur Facebook, je suis Lise Boa Parfums… que 2017 vous soit belle…

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    1. Merci de votre message. Il est vrai qu’un certain tourisme est en train de transformer Lisbonne en une sorte de grand parc d’attraction. Mais la ville comporte encore de nombreux lieux secrets, pleins de charme et de mystère. Il ne faut pas les dévoiler ! Belle année 2017 à vous.

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