
Une chose me frappe dans cette tentative de coup d’Etat militaire en Turquie : les putschistes semblent avoir commencé leur action en investissant la TRT, la télévision publique. Or, même si ma connaissance de la Turquie est réduite, je sais une chose : la mesure d’audience de la télévision en Turquie est contestée par la TRT, tant les chiffres des cinq chaînes de celle-ci sont mauvais. Les putchistes auraient donc agi sur un vieux modèle des années 70, du temps du monopole du service public. Ce n’est que vers deux heures du matin qu’ils ont investi CNN Türk. Il existe en Turquie des dizaines de chaînes privées, aux mains d’industriels, de commerçants, de groupes de presse, souvent proches du régime. Témoignage d’Abbas Fahdel, le réalisateur de « Homeland Irak Année Zéro », qui se trouve pour l’instant à Istambul, hier vers deux heures du matin : « Situation surréaliste! Pendant que certaines chaines de la télévision turque relatent en direct les événements, d’autres chaines continuent a diffuser leur programmes habituels: séries, films, video clips, émissions sportives et de télé-achat…« .Sans parler de la communication sur Internet, qui apparemment a été ralentie mais non interrompue. Pour préparé qu’il était, ce coup avait donc quelque chose d’archaïque qui le condamnait à l’échec. Nous n’en sommes plus au temps de Malaparte.
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Statement lapidaire de Thorbjørn Jagland, le Secrétaire général du Conseil de l’Europe, organisation européenne garante des Droits de l’Homme et dont la Turquie est membre : « Any attempt to overthrow the democratically elected leaders in Turkey is unacceptable in a member state of the Council of Europe, which defends democracy, human rights and the rule of law,«
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Mes trois plus beaux souvenirs de Turquie.
Avoir regardé les enfants qui jouaient au cerf-volant tout au sommet de l’acropole d’Ankara. J’appris plus tard que c’était dans le vieux quartier gitan et qu’il a été détruit depuis.
Le sourire étonné et ravi d’un haut fonctionnaire du Ministère de la Culture quand je lui ai dit que j’avais lu « Cinq villes » de Ahmet Hamdi Tampinar. Il quitta alors son rôle de haut fonctionnaire et se mit à me parler comme à un ami.
M’être retrouvé, à la fin du siècle dernier comme l’un des rares hommes dans le public d’un festival de films de femmes, toujours à Ankara, et avoir observé, sans y comprendre mot, la relation passionnelle entre les spectatrices et la diva Turkan Soray, qui était venue présenter (dans une copie de bien médiocre qualité et sans sous-titres, mais qu’importe), le film L’écharpe rouge (1978), d’Atif Ylmaz un film manifeste pour l’émancipation des femmes. Autre époque.
Paris, 16 juillet 2016.
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