Les feux de la Saint-Jean

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J’aime les feux de la Saint-Jean. C’était un vieux mystère pour moi, lorsque, adolescent, je lisais la Chronique des Pasquier de Georges Duhamel. Je n’en comprenais pas l’importance. On ne fêtait pas cela, dans mes banlieues industrielles, où les haut-fourneaux n’avaient pas besoin de concurrence. Mais une nuit d’été, au retour de Barcelone vers Montpellier, j’ai vu, de l’autoroute, les feux dans la campagne catalane, une haute flamme pour chaque village. Cela défilait dans la vitesse de la nuit, fenêtres de la voiture grandes ouvertes, crépitement de kilomètres. C’était magique, inoubliable. Puis, une autre fois, la Sao Joao à Porto, ou plus exactement des hauteurs de Vila Nova de Gaia. Vue sur le Douro, le pont Eiffel, la vieille ville et d’immenses feux d’artifices illuminant la vallée. Fête païenne de solstice, sans doute décalée de quelques jours par les imprécisions séculaires du calendrier. Fin des moissons. Début de la saison touristique. L’Eglise catholique en avaient repris les émois et aujourd’hui, les Comités des fêtes, nouvelles chapelles, en prolongent le rituel.

IMG_6068 (2)Lorsque mon frère m’a annoncé qu’il y avait un feu de Saint-Jean sur la place du village, j’étais ravi. La grande gerbe de genêts est prête en dessous du Cours Gabriel Peri. Sous l’éperon rocheux, les gamins jouent dans les jardins du château, dessinés par Louvois. Les nouveaux propriétaires sont comme les Grignan et les Bruny qui les ont précédés. On ne le voit jamais, même les jours de fête. Sur l’esplanade, en dessous du cours, les familles attablées mangent des merguez. Les enfants courent et s’attroupent autour d’un DJ bateleur qui essaye de faire passer le temps avec des acclamations en attendant la tombée de la nuit. Lorsque le noir croit avoir gagné la partie, la grande flamme surgit.

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Comme chaque année, c’est Francis qui opère en maître du feu. Le Prométhée du village est un peu corpulent, mais il se donne à faire. Le cercle se forme pendant le premier brasier, puis se disperse. Chacun reprend la discussion avec ses voisins. Il y a tant à discuter. Les sangliers qui rongent les campagnes, j’en ai vu deux l’autre nuit. L’école qui commence à se faire étroite avec la population du village qui grandit ; il faudrait une classe de plus et l’espace manque. L’association de l’arrosant, si pénible à gérer. Les chambres dont a besoin pour accueillir les musiciens, à la fin août., quand ce sera le festival. Ce terrain à Sainte-Anne, que l’on n’arrive pas à vendre. La jolie voisine cherche son gamin, perdu dans la foule. Ah, il est là, ça va. Agathe est partie quelques jours à Marseille. Grâce au maître du feu, les flammes reprennent, c’est la fournaise brusquement. Il faut s’écarter. Les petites filles sont les plus impressionnées. L’une, avec des oreilles de Minnie, ramenées de Marne-la-Vallée, se fait un selfie devant le feu, rameute ses copines. Les garçons lancent des brindilles vers les flammes, non, ce sont des petits bouquets, on dirait des bouquets de jasmin, comme ceux que l’on peut acheter dans les rues de Tunis. « Des immortelles sauvages », précise mon frère, bien au fait de tous les détails locaux. Les petites filles se déplacent vers l’estrade, s’organisent un petit bal, s’interrogent sur un vieux monsieur en chemise rose qui esquisse une gestuelle de flamenco cocasse. Garçons et filles plus âgés restent près du feu, sautent à larges enjambées par-dessus les amas de braises. Il faut faire un vœu, paraît-il. Mais, à la fin, c’est la nuit qui gagne, avec sa fraîcheur. Un dernier petit rosé à la buvette et chacun regagne son foyer.

Entrecasteaux, 25 juin 2015

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