Grande descente solitaire vers le Sud, en voiture, comme je le faisais jadis. Je renonce à traverser Lyon et à aller voir cette Saulsaye que chanta si bien Maurice Scève : « Les blanches mains en rameaux devenues. Finablement feirent ceste Saulsaye, Dont par pitié il fault que dueil j’en aye ». Le Rhône bleu sous le soleil. Flux des souvenirs. Le plus cocasse : il m’arriva un jour de prendre en charge (en chasse ?) une auto-stoppeuse qui me dit être la nièce d’un grand compositeur allemand contemporain. J’en fus tout ému, d’autant que la damoiselle était jolie. Je lui proposais d’aller voir les rives du fleuve pour qu’elle puisse le comparer au Danube à Donauschingen. Las, sur les gravillons du parking, un pneu creva et elle préféra, je la comprends, continuer son chemin. Il faut alphabétiser Liège !
Aire de Roussillon, 22 juin 2015
P.S. du lendemain. Proposition de note pour l’édition de mes oeuvres complètes : « La chute de ce texte a intrigué les premiers lecteurs, dont l’historienne de la littérature Danielle Bajomée. Il s’agit à première lecture d’une clef, mais dont on aurait oublié la serrure. Même dans la Cité ardente peu de lecteurs se souviennent que le compositeur allemand Karlheinz Stockhausen avait donné en 1972 un « Alphabet pour Liège » commandé par la Ville de Liège à l’initiative de Philippe Boesmans. On peut également voir dans ce « Il faut alphabétiser Liège » une citation parodique du célèbre « Il faut helléniser l’île » de James Joyce. Lange-Médart s’identifiant lui-même comme liégeois, bien que natif d’Ougrée-Seraing, il est également possible d’y voir une moquerie ironique face à sa propre infortune dans cet épisode où il se retrouve maladroit et djandou »,