Soirée d’été à Belleville et Ménilmontant

        Regardez l’album photos ici

Belleville, c’est à deux pas de chez moi. Ce n’est plus le Belleville de Willy Ronis. D’ailleurs, ce ne l’était déjà plus en 1990, comme le constatait lui-même le photographe. Mais cela reste probablement un des quartiers les plus photogéniques de Paris, car ici, la vie populaire est toujours en vie. Mélanges de communautés, petits bistrots, jardins, familles, jeunesses, tables de jeu, salons de thé où l’on fume le narguilé. Il faudrait un nouveau Ronis pour capter ces deux adolescentes noires qui dévalent en riant la Rue des Couronnes, serrées sur une seule trottinette.  Les touristes ne viennent pas à Belleville et c’est tant mieux.

Photo André Lange-Médart
Photo André Lange-Médart

Ce soir, soirée d’été, nous allons au Parc, où se déroule le Festival Irrueption offert par l’association Belleville Citoyenne. Rap et hip hop en life, c’est assez inédit pour moi. Nous nous installons en haut de l’amphithéâtre, excellent poste d’observation. Le public est en majorité jeune, des 15-25 ans, quelques enfants, deux ou trois vieux. Beaucoup de noirs, quelques arabes et des loulous nouveau style.

Pour l’occasion, j’ai amené un télé-objectif. Une jeune fille derrière moi s’inquiète : « Vous avez le droit à l’image ? ». Je lui réponds : « Tout le monde à droit à l’image ». Mais c’est un malentendu. Elle s’inquiète de sa vie privée, ce qui est normal. Je tords sa question mal ficelée pour défendre le droit des photographes. La musique a repris et je ne me risque pas à lui expliquer la jurisprudence Bannier, qui, en France, protège le travail des photographes. Je lui dis simplement : « On a le droit de prendre des images, tant qu’il n’y a pas intention de nuire ». C’est un peu simple, mais paraît la rassurer. « Vous êtes photographe ? » Je lui montre l’appareil : « Oui ». Elle a oublié d’ajouter « professionnel ». « Et qu’est-ce que vous allez en faire de ces photos ? » « Essayer de les rendre jolies, puis les publier sur un blog ». Elle sourit. Et moi, dans mon for intérieur, je me dis qu’avec la présence alentour de tant de jolies filles, il me sera difficile de ne pas faire de jolies photos.

 Photo : André Lange-Médart

Photo : André Lange-Médart

J’ai plaisir à être là. Pas seulement parce qu’il y a des jolies filles, mais parce que cette jeunesse là me plaît, avec ses sourires, ses rires, sa diversité mais aussi ses regards anxieux. Même à Paris, il n’est pas facile d’être tous les jours noir ou arabe. La fête est gratuite, et donc démocratique. Quelques ouvriers, un vieux clochard, un quidam qui promène la cage de sa perruche, une dame arabe portant foulard, quelques babas cool d’une autre époque renforcent la diversité. Rien de très original dans ce rap, qui se répète dans sa colère, dans ces pas de danse plus que trentenaires, et qui, à l’occasion, s’amusent à citer Michael Jackson. Mais on s’amuse, on a plaisir à être ensemble. « Ensemble », c’est le leitmotiv d’un des morceaux, que chantent des gamines en levant le poing. Un certain chic vestimentaire paraît de rigueur et cela donne du piment au travail du photographe.

 Photo : André Lange-Médart

Photo : André Lange-Médart

Exercice de style. Je mitraille tranquillement, sans changer de place, cherchant les regards, les mouvements, les gestes. Mon indiscrétion me rappelle celle que j’avais pratiquée à Gênes et qui est devenue ce petit film Largo con sentimentoLe résultat est une série de 83 images que l’on trouvera ici. Je ne suis pas Willy Ronis, mais, ce soir, le plus banal des visages de Belleville m’incite à la tendresse urbaine.

 Jahel chante au Café des Sports (Ménilmontant, 12 jui  2015) Photo : André Lange-Médart

Jahel chante au Café des Sports (Ménilmontant, 12 jui 2015)
Photo : André Lange-Médart

Nous quittons le Parc de Belleville et rejoignons le Café des Sports, sur les hauteurs de Ménilmontant pour écouter un moment la chanteuse Jahel. Public plus âgé, mais non moins bigarré. Ensuite, fin de soirée au Boulodrome où, sous la Basilique Notre-Dame du Perpétuel Secours, les gars du Horse Raddish jouent un rock klezmer à réveiller les défunts du Père Lachaise, toutes confessions confondues.

Paris, 12 juin 2015.

Votre commentaire

Entrez vos coordonnées ci-dessous ou cliquez sur une icône pour vous connecter:

Logo WordPress.com

Vous commentez à l’aide de votre compte WordPress.com. Déconnexion /  Changer )

Image Twitter

Vous commentez à l’aide de votre compte Twitter. Déconnexion /  Changer )

Photo Facebook

Vous commentez à l’aide de votre compte Facebook. Déconnexion /  Changer )

Connexion à %s

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur la façon dont les données de vos commentaires sont traitées.