Une libellule pour André Breton

Petit retour historique, qui aidera à comprendre le titre sans doute curieux de ce blog. Le 28 mai 2011, je publiais sur mon Wakebook quelques photos d’une libellule furtivement aperçue dans notre jardin strasbourgeois.

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Me vint l’idée d’évoquer cette légende wallonne de la libellule frappant de mort le front des hommes. S’en suivit un étonnant échange avec quelques éminents intellectuels wallons, toujours adeptes de sujets un peu curieux.

Capture Libellule

Pascal Durand, professeur de littérature à l’Université de Liège et grand connaisseur du surréalisme, ne tarda pas à me retrouver la photo d’André Breton avec une libellule sur le front, par Man Ray.

André Breton avec libellule (Photo : Man Ray)
André Breton avec libellule (Photo : Man Ray)

Il ne fallut pas beaucoup de temps pour trouver le récit de Man Ray, expliquant l’origine de cette photographie étrange :

« André Breton, Paul Éluard, leurs femmes et moi-même, nous fûmes, pendant un été, les invités d’une femme charmante, écrivain, que le surréalisme et ses représentants fréquentaient. C’était vers le milieu des années 30. La maison de campagne de Lise Deharme était pleine de coins et de recoins, d’objets étranges et de vieux meubles rococo. C’était dans les Landes. Un ami m’avait donné une petite caméra, que j’emportai pour garder sur pellicule quelques souvenirs de notre séjour. On décida, pour passer le temps, de faire un film surréaliste. C’était une entreprise fort ambitieuse, et mon matériel était inadéquat, mais j’acceptai cette suggestion avec empressement. C’était l’occasion de faire quelque chose en collaborant intimement avec les surréalistes, que je n’avais pas consultés lors de mes précédentes tentatives ; c’était l’occasion de me réhabiliter. Breton et Éluard passèrent une journée à rédiger une ébauche de scénario. Tout le monde devait participer au film. Il y eut des séquences de femmes, étrangement vêtues, errant à travers la maison et le jardin… Il y eut une séquence où Breton lisait, assis près d’une fenêtre, une grande libellule posée sur le front. Mais André était un très mauvais acteur : il perdit patience et abandonna son rôle. Je le comprends : au fond de moi-même j’ai toujours détesté la comédie, les feintes. La meilleure partie de la séquence, c’était la fin, quand Breton se mettait en colère. Ça, ce n’était pas du tout de la comédie. Au bout de quelques séances – pendant lesquelles j’eus des ennuis avec mon appareil, qui se bloquait souvent, ce qui me fit perdre la moitié des prises de vues – j’abandonnai l’opération, au grand regret de tous. De retour à Paris, je sauvai ce que je pus du film, qui avait l’air très prometteur. Mais il n’y en avait pas assez pour faire un court métrage. J’en tirai cependant quelques bons clichés qui furent reproduits dans une revue d’art où il était annoncé que j’avais tourné un film surréaliste. »

Man Ray (Autoportrait, Paris, Robert Laffont, 1964, pp. 253-254), cité sur le site André Breton.

Le site André Breton propose également la photographie de « Le petit mimétique », assemblage de Jacqueline Lamba placé sur le mur de l’atelier d’André Breton daté de 1936 : libellule blanche sur feuilles d’arbres automnales.

Boîte à dessus de verre laissant voir une libellule posée sur des feuilles sèches sur fond de papier cellophane.

Ma rencontre avec l’alfarrabiste eu lieu quelques semaines plus tard. « L’alfarrabiste et la libellule » est la cristalisation de ces deux rencontres de l’été 2011.

Paris, 31 mai 2015.

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