‘Fonógrafo’, un poème daté de 1896 de Camilo Pessanha (1867-1926), le « Baudelaire portugais », sinologue et opiomane. Il aurait pu figurer dans ‘Stratégies de la musique’.
Fonógrafo
Vai declamando um cómico defunto.
Uma plateia ri, perdidamente,
Do bom jarreta… E há um odor no ambiente
A cripta e a pó — do anacrónico assunto.
Muda o registo, eis uma barcarola:
Lírios, lírios, águas do rio, a lua…
Ante o Seu corpo o sonho meu flutua
Sobre um paul — extática corola.
Muda outra vez: gorjeios, estribilhos
Dum clarim de oiro — o cheiro de junquilhos,
Vívido e agro! — tocando a alvorada…
Cessou. E, amorosa, a alma das cornetas
Quebrou-se agora orvalhada e velada.
Primavera. Manhã. Que eflúvio de violetas!
Phonographe
On entend déclamer un comique défunt.
Le public se met à rire, éperdument,
Du pauvre diable…Il y a dans l’air une odeur
De crypte et de poussière – de l’anachronique numéro.
Changement de registre, voici une barcarolle :
Des lys, des lys, la lune, les eaux du fleuve…
Devant le corps qui est le Sien flotte mon rêve,
Sur un marécage – extatique corolle.
Nouveau changement : trilles et vocalises
D’un clairon en or – le parfum des jonquilles,
Âpre et vif – qui entonne une aubade…
Silence. Amoureuse, l’âme des trompettes
S’est maintenant brisée sous un voile de rosée.
Printemps. Aurore. Ô ces effluves de violette.
(Traduction par MIchel Chandeigne et Ariane Witowski).
"Clepsydre" de Camillo Pessanha (Montemor, mai 2015).