Après Saverne, les grandioses blocs de grès rose, de part et d’autre de la route. Plus loin, dans les alentours de Verdun, les méandres d’une Meuse timide. Puis la forêt d’Argonne, noire comme sa mémoire. Au fond de la nef de la cathédrale de Reims, le bleu nuit du vitrail de Chagall, parce qu’il n’y a plus de rois en ce royaume. Ensuite, les vastes étendues de collines,de prairies, les fermes de Jouarre et des frondaisons si nettes dans une légère brume de contre-jour que j’aimerais les photographier; Le couchant sur le Val de Marne. En attendant son éclipse prochaine, le soleil anoblit de son cercle parfait la sortie des bureaux de la capitale. A la Porte de Vincennes, l’Hyper Casher, rénové, à peine ré-ouvert et protégé par des monceaux de bouquets de fleurs. Les cyclistes imprudents du Boulevard Ménilmontant, les piétons tranquilles de la rue du Chemin Vert, les trottoirs éventrés de la République. Ca y est ! Nous sommes arrivés. A partir de ce soir, je suis parisien. Et il me vient cette idée étrange de citer en ouverture de cette nouvelle vie l’incipit des Cahiers de Malte Laurids Brigge : « C’est donc ici que les gens viennent pour vivre ? Je serais plutôt tenté de croire que l’on meurt ici ».
Paris, 17 mars 2015.