J’ai repéré un concert donné à l’occasion de la commémoration du centenaire de l’Académie russe de musique, au Conservatoire Tchaikovsky, sur la Bolchaïa Nikitskaya. Notre interlocuteur, homme de pouvoir dans l’administration culturelle de la Fédération, nous obtient des places de choix. Au programme, la 9ème symphonie de Beethoven, dirigée par Vladimir Fedoseyev. Je ne l’avais plus entendue en concert depuis près de cinquante ans, lorsque je la découvris grâce aux Ballets du XXème siècle de Maurice Béjart. Je me souviens de ce moment magique où les membres du choeur enlève leur cape noire et apparaissent en robe jaune tibétain. Les jours suivants, j’avais écouté encore et encore la version Karajan, avec Gundula Janowicz. Aujourd’hui, j’ai l’impression de la connaître par coeur, et, évidemment, le choc n’est plus le même. A vrai dire, pendant le deuxième et le troisième mouvement, je m’ennuie même un peu, en raison d’une direction trop lisse. Mais lorsqu’au quatrième mouvement les violoncelles entament pour la première fois le thème de la Joie, les larmes me montent aux yeux. Puis les gamines devant moi sortent leurs smartphones et filment n’importent comment de petits résidus de la grande oeuvre. La soprano monte, trop stridante, dans les aigus et écrase la voix plus douce de la jolie contre-alto. Cela gâche un peu le plaisir, mais finalement, la jeunesse de cet orchestre et de ce choeur emporte l’enthousiasme. Quel bonheur d’avoir été là ce soir. Et longue vie à l’Académie ! Et, comme à l’habitude, j’emmène mes collègues déguster un boeuf Stroganoff au Maïak.
Moscou, 2 décembre 2014.