Merveilleux ! Je trouve un hippopotame dans Le Maître et Marguerite ou, plus exactement un chat hippopotame. Dans son bureau, Prokhor Petrovitch, Président de la Commission des spectacles et divertissement formule allégée vient de disparaître et ne subsiste, à la stupéfaction de l’agent comptable Vassili Strepanovitch et de la secrétaire particulière la belle Anna Richardovna, que son complet vide, alignant des mots sur une feuille de papier à l’aide d’une plume sèche, non imprégnée d’encre. Je lis :
« Figurez-vous, j’étais là assise », lui conta Anna Richardovna toute pantelante d’émotion en s’accrochant de nouveau à sa manche, « quand je vois entrer un chat noir, un véritable hippopotame« . (M&M, 1ere partie, chapitre XVII, « Une journée mouvementée », Pléiade, p. 588).
Le lecteur aura reconnu là le chat Béhémot, qui au chapitre fameux ‘Magie noire et dévoilement des secrets’ accompagnait le mage Woland et son acolyte Fagot sur la scène du Théâtre des Variétés. Le même chat noir qui était présent au tout début du roman lorsque l’écrivain Berlioz se fait trancher la tête par le tramway, près de l’Etang des Patriarches.Françoise Flamant, l’éditrice de M&M, fournit à la note 5 du chapitre XII (Pléiade, p. 1763) une précieuse explication sur ce nom de Béhémot :
« Ce nom est emprunté au ‘Livre d’Henoch’ où Béhémot est présenté comme « le dragon mâle (…) qui occupe son poitrail le désert appelé Dedayn, à l’est du Jardin qu’habitent les élus et les justes » (LX, 8). Il est entré dans le répertoire des dénominations du diable, connues de Boulgakov notamment par l’ouvrage de Mikhaïl Orlov, ‘Histoire des rapports de l’homme avec le diable’ (1904), dont on a trouvé des extraits copiés dans sa documentation. Dans la tradition démonologique, Béhémot a l’apparence d’un monstre ventru à tête et trompe d’éléphant, avec des crocs, et des mains humaines. En russe, ce nom, prononcé « béguémote », est devenu un nom commun désignant l’hippopotame.«
Fichtre ! L’hippopotame comme incarnation du diable ! Voilà qui aurait fait rire Valery Larbaud ! Qu’en dit le Comité de défense de l’honneur des pachydermes ?