
Eça de Queiros et appareil de projection (Photo : André Lange-Médart)
Vieux portail de pierre, lierres, hydranges aux couleurs rares. Vignes – petit vin vert frais et tonique -, roses et lavandes. Vue sur le fleuve, fumées d’incendies au loin. Vielles servantes discrètes (on pense à Flaubert). Dans la salle de conférence, le buste de l’écrivain surveille l’affreuse machine. Affiches. Séminaire « Les formes du réalisme » (je pense à Maître Jacques). Dans le hall d’entrée, le fauteuil dit de Jacinto, premier personnage de la littérature européenne incarnant le fan de high tech. Eça a eu la prescience de l’échec de la civilisation technicienne. La guide signale que A cidade e as serras a été curieusement traduit en français par Champs Elysées. C’est bien exact, je l’ai lu, et même cité dans mon « Histoire de la télévision » à propos du théâtrophone.. Malheureusement, interdiction de photographier la bibliothèque, la chambre, le salon.
La petite fille de l’écrivain, vielle dame très digne dans son divan, y salue aimablement ses visiteurs. Beau chignon gris, tenue droite, petit regard vif. Sur sa tablette, quelques livres Le Paris d’Emile Zola. Elle lit une biographie de Gandhi offerte par un hebdomadaire. Quelques mots gentiment moqueurs à notre guide. « Je ne sais pas tout ce qui se passe dans cette maison ». Monocles de l’écrivain, son costume de mandarin, la fameuse photo du Consul, dans son jardin de Neuilly. Manque le théâtrophone de Jacinto. Quelques uns des meubles qui devaient revenir de France ont disparu dans le naufrage du Sao Andre. Dans la cuisine, la cuisinière, toute en noir, prépare le déjeuner. Forte odeur d’oignons, d’huile et d’ail. On aimerait être invité. Dans le jardin, avant de partir, je ramasse une petite pomme rouge. Je la croque avec affection, comme un petit fétiche.
Torres, 12 août 2011.
Reportage photo ici