Fraîcheur de la langue : sorbonne et tronche
En pleine campagne des élections régionales, la polémique enfle sur les propos du Professeur Georges Frêche, Président de la Région Languedoc-Roussillon, qui a glissé que, s’il était électeur en Haute-Normandie, il hésiterait à voter pour M. Laurent Fabius, ancien Premier Ministre, “qui n’a pas une tronche très catholique”. M. Fabius accuse M. Frêche d’antisémitisme, celui-ci répond en rappelant qu’il est un vieil ami d’Israël.
Pour avoir vécu quelques années à Montpellier, c’est vrai, je puis en témoigner : M. Frêche a soutenu le lancement d’un Festival du Film juif et israélien et surtout d’un magnifique Festival du film méditerranéen, où les films israéliens trouvaient, dès les années 80, leur juste place parmi les films arabes, turcs, italiens ou même albanais et géorgiens. Je me souviens d’avoir entendu l’ancien Maire de Montpellier, qui a certainement lu Braudel bien avant le Président de la République, plaider, dès le début des années 90 pour la création d’un espace politique et culturel méditerranéen.
En fait, je pense que le problème de M. Frêche doit s’interpréter à la lumière de Balzac, qui nous fournit une précieuse indication sur le sens du mot tronche. Rappelez-vous votre Père Goriot. Mademoiselle Michonneau, accompagnée de Poiret aîné, se rend au Jardin des Plantes à un rendez-vous donné par M. Gondureau, qui est de la police. Il est question de droguer Jacques Collin, alias Vautrin. Gondureau présente le personnage :
“Collin est la sorbonne la plus dangereuse qui jamais se soit trouvée du côté des voleurs. Voilà tout. Les coquins le savent bien ; il est leur drapeau, leur soutien, leur Bonaparte enfin ; ils l’aiment tous. Ce drôle ne nous laissera jamais sa tronche en place de Grève.
Mademoiselle Michonneau ne comprenant pas, Gondureau lui expliqua les deux mots d’argot dont il s’était servi. Sorbonne et tronche sont deux énergiques expressions du langage des voleurs, qui, les premiers, ont senti la nécessité de considérer la tête humaine sous deux aspects. La sorbonne est la tête de l’homme vivant, son conseil, sa pensée. La tronche est un mot de mépris destiné à exprimer combien la tête devient peu de chose quand elle est coupée.”
Nous comprenons-mieux les dénégations d’antisémitisme de M. Frêche : il ne voulait pas, en recourant à une physiognomonie de mauvais aloi, souligner les origines de M. Fabius, mais simplement indiquer qu’il faudrait l’envoyer à la guillotine. Envoyer quelqu’un à la guillotine n’empêche pas le tutoiement (que le Professeur pratique dans sa lettre d’explication à l’ancien Premier Ministre) : Robespierre tutoyait Camille Desmoulins et Danton. Voilà donc qui est nettement moins pendable. J’en connais qui ont utilisé le mot “traître” lorsque Fabius est parti en campagne contre le projet de Constitution européenne. Un traître, durant la Révolution, cela se décapitait, fût-il un ami.
Mais pourquoi le Professeur Frêche manque-t’il tellement de sorbonne au point d’utiliser une “énergique expression de la langue des voleurs” ? Mon ami Pascal D., spécialiste en littérature pamphlétaire, me dirait certainement que le Professeur a la nostalgie de la rude langue polémique, typique de la presse du XIXème siècle.
Abus de Balzac, probablement. Je soupçonne en effet le Professeur Frêche d’être un lecteur de la Comédie humaine – où le jugement au faciès est un trait idéologique d’époque, voir Lavater – et d’avoir eu à l’esprit, lorsqu’il parlait du fils de l’antiquaire du Boulevard Haussman, le portrait, déjà cité ici, du collectionneur d’art Elius Magus, dont l’antisémitisme assez explicite du portrait, dans Le Cousin Pons, a pu être souligné. Laurent Fabius est un vrai parisien, tandis que Montpellier, la ville dont M. Frêche s’est fait le Hérault, n’apparaît qu’à trois petites reprises dans La Comédie, pas une très grande place donc. Dans La femme de trente ans, il est mentionné que l’Honorable Arthur Ormond, futur Lord Grenville, y est venu pour guérir une maladie pulmonaire. Sans plus. De quoi faire pâlir d’envie pendant une vie entière un Professeur de province. Ah ! Si au moins, comme Chateaubriand, Balzac avait écrit que c’est à Montpellier que l’on voit les plus belles filles d’Europe !
Au mot “catholique”, mon dictionnaire préféré, Le trésor de langue française, ne propose pas une datation de l’expression “pas très catholique”, se contentant de citer l’exemple “Fredaine pas très catholique” et une citation du Recteur de l’île de Sein d’Henri Queffélec. Mais il me signale une expression dont j’ignorais l’usage, attestée par deux dictionnaires de l’Académie :
“- Proverbial et fig., fam. ou pop. : Catholique à gros grains. “Catholique qui ne se fait pas scrupule de bien des choses défendues par la religion”. (Ac., 1835, 1878)”.
Disons, pour rafraîchir la langue, que M. le Professeur Frêche est un “Socialiste à gros grains”.
Commentaires |
L’ange aveugle.
Hola Moldovan tu t’en crois !
tu dois être remonté contre Freche pour insulter un ange, en plus il est aveugle, “le povre”.
Moi suis pas aveugle et si j’ai bien vu ce blog c’est pas un site de polémiques, c’est un site sur Balzac et je suis pas d’accord quand tu dis que l’ange met balzac à toutes les sauces, c’est le contraire , il met d’autres trucs à la sauce balzac.
C’est la colère qui t’a égaré, t’as pas compris, tu voulais du sang.
Si c’est pour faire de la polemique il ya a plein de sites pour ça. Comme si freche valait ton coup de sang (et le coup tout court, pardi!)