Un libraire, 18, Rue Vivienne
Octobre 1823. Don Felipe Hénarez de Soria, baron de Macumer, libéral espagnol en exil à Paris, écrit à son frère Don Fernand :
“Aux Maures vaincus, un cheval et le désert ; aux chrétiens trompés dans leurs espérances, le couvent et quelques pièces d’or. Cependant, ma résignation n’est encore que de la lassitude. Je ne suis point assez près du monastère pour ne pas songer à vivre. Ozalga m’avait, à tout hasard, donné des lettres de recommandation parmi lesquelles il s’en trouvait une pour un libraire qui est à nos compatriotes ce que Galignani est ici aux Anglais.” (Mémoires de deux jeunes mariées).
Selon la note Pléiade : “Cette célèbre librairie, qui était aussi un cabinet littéraire, se trouvait alors 18, rue Vivienne. On y trouvait des livres et des journaux anglais, mais aussi espagnols et allemands“.
Je me souviens de la première fois où j’entendis parler de la rue Vivienne. J’étais lycéen dans une banlieue industrielle. Notre professeur de lettres, homme solide et franc, qui avait le culot de faire découvrir Saint-John Perse à de petits immigrés, fils de métallos siciliens, nous citait en exemple les richesses évocatrices du nom de “rue Vivienne”, qu’il opposait à la “rue de la Troque”, lourde, prosaïque. et grise. Trompé dans nos espérances, il nous fallait, pour entrer en littérature, haïr notre banlieue.
Aujourd’hui, le 18 rue Vivienne est le siège d’un célèbre fripier international.
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La rue Vivienne abritait aussi la librairie d’Albert Lacroix, l’éditeur belgo-français de Hugo et de de Coster, parmi d’autres, au nombre desquels s’est glissé Isidore Ducasse, qui habitait le quartier. D’origine montevidéenne, parlant très probablement l’espagnol (noimbreux hispanismes de lexique mais aussi de syntaxe dans les Chants de Maldoror), il a sans doute fréquenté ce cabinet de lecture, à la pêche à quelque nouveau “beau comme”.