LES CARNETS DE L’ANGE AVEUGLE – Le Paris de Balzac n’existe pas
6 janvier 2010
Parmentier, la station la plus patate.
Evidemment, l’avenue Parmentier ne se trouve pas dans La Comédie humaine. Trop jeune pour cela. Mais Balzac me fournit néanmoins l’aimable possibilité de faire figurer ici la station du même nom, la station la plus patate du métro parisien, qu’un déterminisme géographique malheureux m’amène à traverser souvent. Le grand agronome figure en effet trois fois dans l’œuvre. L’inventeur de la pomme de terre (dont Balzac nous signale, dans Splendeurs et Misère des Courtisanes qu’on l’appelait en argot l’orange des cochons) y apparaît une des idoles des petits-bourgeois pragmatiques, vénérant l’utile.
Ainsi pouvons-nous vérifier que fut exausé le voeu d’Ernest de La Brière, fonctionnaire à la Cour des Comptes, « jeune homme alors âgé le vingt-sept ans, décoré de la Légion-d’Honneur, sans autre fortune que les émoluments de sa place, possédait la triture des affaires, et savait beaucoup après avoir habité pendant quatre ans le cabinet du principal ministère ». La Brière est un homme modeste, mais un rien pédant, et qui ne cesse d’évoquer les grands hommes. « Le génie doit être estimé, surtout, en raison de son utilité. Parmentier, Jacquart et Papin, à qui l’on élèvera des statues quelque jour, sont aussi des gens de génie. Ils ont changé ou changeront la face des Etats en un sens. » (Modeste Mignon).
Même vénération de l’utilité chez l’avocat Théodose de la Peyrade (Les petits bourgeois) :
« (…) il est à remarquer, dans l’intérêt de cette histoire, que l’avocat se tenait au plus près de ces esprits vulgaires, il naviguait dans leurs eaux, il leur parlait leur langage. Son peintre était Pierre Grassou, et non Joseph Bridau ; son livre était Paul et Virginie, le plus grand poëte actuel était Casimir Delavigne ; à ses yeux, la mission de l’art était avant tout l’utilité. Parmentier , l’auteur de la pomme de terre, valait trente Raphaël ; l’homme au petit manteau bleu lui paraissait une soeur de charité. ».
Petite requête à la RATP. Serait-il possible de demander à Agnès Varda de relooker la Station Parmentier ? Tiens, justement, aux Etats-Unis la National Society of Films Critics vient d’attribuer à Agnès le Prix du meilleur film documentaire 2009 pour ses Plages. C’est bien mérité. Bravo Agnès, et bonne année !
