05 janvier 2010
Nouvelle fraternité française, dans les Champs-Elysées.
Comme l’Opéra, les Champs-Elysées constituent chez Balzac un lieu privilégié de la représentation sociale. Les femmes se promènent dans les Champs-Elysées, et parfois, comme aujourd’hui, aux Champs-Elysées. N’allez-pas croire qu’elles vendent l’International Herald Tribune sur le trottoir, telles Jean Seaberg dans A bout de souffle. Non, elles sont généralement en calèche, tilbury ou autre escargot.
Lorsqu’elles sont triomphantes, il leur arrive de voir leur ancien amant, à pied, qu’elles peuvent dès lors mépriser à loisir :
“Quant aux affaires personnelles de cet écrivain, elles étaient dans un tel désordre qu’un jour, aux Champs-Elysées, la comtesse Marie vit son ancien adorateur à pied, dans le plus triste équipage, donnant le bras à Florine. Un homme indifférent est déjà passablement laid aux yeux d’une femme; mais quand elle ne l’aime plus, il paraît horrible, surtout lorsqu’il ressemble à Nathan.” (Une fille d’Eve).
Ce 26 décembre 2009, les Champs-Elysées n’ont rien d’aristocratiques Le petit peuple vient là pour se photographier, tâter du “comme si j’étais” de people, mesurer la distance qui le sépare de ses héros télévisés.
Au moins six cars de CRS entourent le Fouquet’s. Comme je cherche un angle qui me permettrait de les saisir, un agent s’approche de moi. “Monsieur, que filmez-vous ?”. Ma réponse est cinglante “Oh, rien. Je ne fais que photographier une nouvelle institution républicaine”. L’autre “Ah bon ! Mais ne photographiez pas mes collègues”. Et pourquoi pas ?
Devant le restaurant, les badauds font la queue pour lire le menu, pour se délecter de ce luxe qu’ils sont invités à déguster par procuration. “Ah, t’as vu. 300 euros. La vache !….”.
Cinq jours plus tard, le Président de l’Association des Relations publiques du Fouquet’s, qui depuis des années affiche sur les écrans morgue et mépris, présente ses voeux à la Nation et en appelle , de manière inédite, à une nouvelle fraternité française. Nouvelle fraternité française ? C’est nouveau, ça vient de sortir ? Allons, offrons-nous un petit délice pédant. Balzac, Le député d’Arcis, (1847, inachevé) :
“Vous êtes démocrate, alors! dit Achille Pigoult. — Non reprit le candidat. Est-ce être démocrate que de vouloir le développement régulier, légal de nos institutions? Pour moi, le progrès, c’est la fraternité rétablie entre les membres de la grande famille française, et nous ne pouvons pas nous dissimuler que beaucoup de souffrances… A trois heures, Simon Giguet expliquait encore le progrès, et quelques-uns des assistants faisaient entendre des ronflements.”
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