Au début de « La Comédie humaine »

LES CARNETS DE L’ANGE AVEUGLE – Le Paris de Balzac n’existe pas

9 décembre 2009

Au début de “La Comédie humaine”

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“Au milieu de la rue Saint-Denis, presque au coin de la rue du Petit-Lion, existait naguère une de ces maisons précieuses qui donnent aux historiens la facilité de reconstruire par analogie l’ancien Paris”.

Dès la première phrase de La Maison du chat-qui-pelote, premier volume de La Comédie humaine dans l’édition Furnes, Balzac nous l’indique : son Paris n’existe déjà plus. D’emblée, il se donne pour historien, plus tard, il parlera d’archéologie.

Pour prendre cette photo d’ouverture, je me suis accroupi dans le froid de l’avant-Noël. J’avais essayé de fixer le coin de la rue Saint-Denis et de la rue du Petit-Lion (aujourd’hui rue Tiquetonne, un nom qui m’a toujours amusé comme un tictac médiéval) en intégrant dans le cadre l’enseigne d’un sex-shop. Il en reste quelques uns dans cette partie de la rue Saint-Denis, aujourd’hui bien assainie. Mais une dame, pas aussi jolie qu’Irma la douce, est sortie de la boutique et m’a pris à partie : “Vous nous faites vraiment chier”. Impossible évidemment de lui expliquer que je commence ma recherche des lieux balzaciens. “Mais ce n’est pas vous, Madame, que…”. Cela commence drôle, je donne du Madame à une tenancière.

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L’enseigne rouge du sex-shop, on la voit sur cette photo-ci, en harmonie avec l’écharpe de la passante au bonnet noir. Il fait froid. J’ai moi-même enfilé un bonnet coloré, que M. m’a offert en février dernier, Amsterdam Avenue. Il contraste avec mon manteau gris et mon écharpe écarlate, me met en confiance pour affronter le retard suspicieux des quidam, dont la présence sur les photos me paraît désirable, inévitable.

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Publier la photographie de passants est-il légitime ? N’est-ce pas une atteinte à leur vie privée ? Vie privée. Scènes de la vie privée, c’est bien de cela qu’il s’agit dans le premier cycle de la Comédie humaine. Suite au lancement de Google Street, le débat fait rage. Il y a quinze jours, un député centriste a proposé un projet de loi visant à imposer l’autorisation des habitants d’un immeuble pour pouvoir le photographier. Si l’on ne peut plus photographier les passants, tout documentaire devient impossible. Balzac, lui, pouvait se contenter de changer les noms. Encore le faisait-il de manière toute relative. Les notes en fin de volumes Pléiade attestent du délice que les experts éprouvent en identifiant les personnages sources.

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Quant à moi, je me fiche de savoir quels furent les modèles d’Augustine Guillaume et de sa mère. Il me suffit de me dire que c’est bien elles qui ont traversé le viseur de ma caméra. Ne sont-elles pas plus belles que les gravures de l’édition Furne ?

Suite : La rue Saint-Denis

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