Berlin, 7-9 février 2009.
« Ne pas trouver son chemin dans une ville, ça ne signifie pas grand chose. Mais s’égarer dans une ville comme on s’égare dans une forêt demande toute une éducation » écrit Walter Benjamin tout au début de ses Enfances berlinoises. En revoyant l’album de nos promenades berlinoises de février 2009, je me dis que j’ai bien manqué de cette éducation. Voilà bien parmi les rares photos que je ne suis plus capable de situer dans leur localisation géographique précise.
Je n’ai guère photographié des monuments, des lieux, mais des affiches, des mots, des signes.
Comme si cette ville détruite n’avait à offrir qu’un système sémiotique convenu, auquel l’étranger de passage s’agrippe pour survivre dans le froid. Une affiche de Liza Minelli, et nous voici dans la remémoration de Cabaret. Un bureau des employés du métro et c’est toute la foule de la Friedrichstrasse qui est présente. Une carcasse de magnétoscope sur le sol d’un terrain vague, et c’est l’univers défunt de l’image analogique qui surgit.
Berlin est donc restée pour moi, ce février là, une ville abstraite.
J’ai poussé cette abstraction à l’absurde en photographiant dans tous ses détails la Savignyplatz, à laquelle me lie une lointaine histoire familiale. L’album « Tentative de description de la Savignyplatz », dans lequel j’ai retenu à peu près toutes les photos, même celles à la qualité technique complètement insatisfaisante, est une sorte d’exercice à la Perec, sauf que derrière la réalité présente c’est un passé lointain que je fixe.
Seul le jeune vendeur de journaux, sur les quais de la station de métro, témoigne d’un souffle de vie, fragile et maladroit.
« Chacun d’entre nous a cette fée qui accorde un voeu« , écrivait Walter Benjamin dans « Matin d’hiver ». Je ne sais si c’est la sienne que j’ai photographiée, lui qui reconnaissait que son voeu fut exaucé. Mon voeu berlinois ne le fut pas.
Paris, 17 novembre 2016.